samedi 8 juillet 2023

La demi-traversée du Queyras

Et oui, seulement une grosse demi-traversée : il restait 45 km sur les 105 prévus lorsque j'ai fait demi-tour pour abandonner... voici comment ça s'est passé :

Là ça allait encore bien

Les photos - Le film - La trace

 

Le profil de la course :




Vendredi 7 juillet : le trajet


La course a lieu à Guillestre, enfin le départ de la Grande Traversée du Queyras est à Abries mais c'est bien à Guillestre que tout se passe. L'avantage, et c'était un critère pour choisir cette course (en plus de la beauté réputée des paysages), c'est que je peux y venir en train... mais depuis Lyon ça fait loin quand-même !

L'autre avantage, c'est qu'il restait de la place dans le dortoir de la bande de Kikouroùs venus du grand nord (de Paris voire plus au nord !), et merci à Raya de m'avoir proposé de me joindre à eux. Merci aussi à Raya d'avoir récupéré mon dossard et d'avoir même négocié que je puisse déposer mon sac d'allègement le lendemain au départ, m'évitant ainsi de devoir courir au gymnase de Guillestre pour le déposer en catastrophe avant 19h.

J'ai donc retrouvé mes acolytes Raya, Pat, Bart, Romain et Yves à l'hôtel Cap'Verb pour un bon repas de lasagnes et une nuit pas trop mauvaise.
21h15, on se couche...

Samedi 8 juillet : la course


3h05, on se lève ! (enfin surtout Raya, Pat, Yves et moi, car Bart et Romain sont sur le 65 km qui part plus tard). On prend le petit déj dans la salle de restauration de l'hôtel (et pas dans la salle hors-sac...), et on se met vite en route pour prendre la navette, en manquant d'oublier mes bâtons dans la chambre ! Heureusement que j'y ai pensé en entrant dans l'ascenseur.

Le départ des navettes se fait à 4h30 vers le gymnase de Guillestre qui est à un bon kilomètre de l'hôtel, Raya, Pat et Yves marchent sacrément vite les bougres, je m'accroche pour les suivre (j’exagère à peine), la course a déjà commencé ou quoi ?

Il doit être un peu plus de 5h lorsque la navette nous laisse dans le village d'Abries. La salle n'est pas encore ouverte et on nous invite à traverser le village pour aller boire un café vers un gite. Au passage j'ai pu confier mon sac d'allègement à un bénévole, nickel. Il fait encore frais de bon matin et on est bien content de se mettre un peu au chaud lorsque la salle ouvre enfin. Le départ se fera donc en t-shirt, avec les manchettes (qui finiront vite dans le sac car la journée va être très chaude).

 

De Abries à Ristolas : 13e km en 2h12

Et justement, le départ a lieu pile à l'heure, à 6h.
Il fait déjà jour, il fait beau et encore frais, c'est top.
On court 300 mètres et voici déjà la première côte du parcours : la Colette de Gilly, 800 mD+ en deux temps, pour s'échauffer.



Montée sans histoire dans un bel environnement, descente pas pire, et voici déjà le premier ravitaillement à Ristolas après 13 km et 2h15 de course. J'ai un peu faim, donc je prends 5 minutes pour manger et mettre un peu de nourriture dans ma poche, remplir les bidons, braquer Nat avec une banane, la manger (la banane, pas Nat) et je file.


De Ristolas au Refuge Agnel : 28e km en 5h22

Sur 4 km on longe le Guil sur du léger faux-plat montant, c'est bien roulant, je trottine gentiment, et je rattrape Nat qui se la coule douce en se début de course (connaissant le temps canon de 23h37 qu'elle fera pour terminer la course, on peut dire qu'elle a fait un début très tranquille). On trottine donc quelques minutes ensemble en discutant jusqu'au premières pentes de la longue montée au Col Vieux. Comme je lui disais : "La partie roulante, mon terrain de prédilection, vient de se terminer, maintenant  c'est la montagne, c'est ton terrain !". Car Nat, est une pure grimpeuse, et c'est tout naturellement que je la vois s'éloigner devant moi, tranquillement les mains dans le dos, quelle efficacité !

Pour moi c'est bâtons dans les mains et yeux grands ouverts, car plus on monte, plus c'est beau ! Aux deux tiers de la montée, à 2400 m d'altitude, on longe le Lac Egorgéou, c'est superbe et plat, donc je relance au trot, avec Pat pas loin devant ou derrière moi, je ne sais plus, mais c'est par là que je l'ai rattrapé je crois. A moins que ce soit à 2600 m d'altitude, le long du Lac Foréant, l'autre replat tout aussi superbe dans cette longue ascension vers le Col Vieux.

Le Lac Egorgéou

Le Lac Foréant

C'est après un peu moins de 5h10 de course que j'atteins le Col Vieux (2806 m) au 26e kilomètre. Je me sens bien, je ne ressens pas spécialement l'altitude (tant mieux), et la petite descente vers la route du Col Agnel est une formalité, avec vue sur la crête frontalière entre la France et l'Italie et sur le Pic de Caramantran qu'on gravira bientôt.

Au Col Vieux

J'arrive au Refuge Agnel (2570 m) à 11h22 pour une pause ravito de 10 minutes où je croise Raya et Pat qui repartiront un peu avant moi.

Le Refuge Agnel

 

Du Refuge Agnel à Saint-Véran : 44e km en 8h32

Je serais bien resté toute la journée à l'agréable Refuge Agnel, mais non, je repars tranquillement en mangeant alors que les premières pentes du Col de Chamoussière (2881 m) sont assez douces. Ca se raidit petit à petit dans un environnement de plus en plus minéral mais sur un sentier toujours bien tracé, donc rien de difficile.

Pic de Caramantran et Col de Chamoussière

Au col il y a des randonneurs, un nouveau panorama à se coller dans les rétines, du vent qui fait du bien car il ne fait pas froid, et un sentier pentu qui part à gauche pour atteindre le sommet de la course, le Pic de Caramantran (3021 m). J'y suis à 12h33, dans le vent, en t-shirt, à 3000, normal. La vue à 360° y est incroyable, surtout côté français car côté Italien on voit à peine le Mont Viso dépasser des nuages.

Au Pic de Caramantran : à gauche l'Italie, à droite la France

Je ne m'attarde pas trop, le temps de quelques photos et de voir le SMS de SFR qui me souhaite la bienvenue en Italie (bien vu, la trace franchit la frontière sur quelques dizaines de mètres avant de revenir en France), et je me lance prudemment dans la descente vers le Col de Saint-Véran (2843 m) puis le Refuge de la Blanche (2500 m). J'imaginais cette descente un peu délicate et raide mais en fait elle ne présente pas vraiment de difficulté. Après 34 km et 7h09 de course je passe donc au Refuge de la Blanche presque sans m'arrêter, si ce n'est pour un remplissage exprès du bidon d'eau plate histoire de pouvoir continuer à bien m'hydrater jusqu'au au vrai ravito de Saint-Véran.

Le Lac et le Refuge de La Blanche

C'est à partir de là que ça devient un peu moins rigolo... En effet, nous devons maintenant parcourir 8 km de légère descente, je dirais même de faux-plat très légèrement descendant, à tel point qu'en regardant l'altimètre régulièrement et en voyant le chemin se dérouler devant moi j'ai l'impression que ça ne descend juste pas du tout ! En tout cas c'est une portion roulante où je me dois de courir, sinon ça va être trop long, et puis c'est mon point fort le roulant en faux-plat descendant, donc je m'attendais à dévorer ça facile à 8 ou 9 km/h, sauf que pas du tout. Je plafonne lamentablement entre 7 et 8 km/h, et au bout de quelques kilomètres je commence à sentir que je tape un peu trop dans les jambes à m'obstiner à courir, donc je me convainc de passer à la marche de temps en temps pour alterner marche et course. Et là c'est le drame... une pointe dans le genou gauche... ma "rotulite" de l'an dernier vient de se réveiller ! Rien d'insurmontable, je peux encore marcher et courir (pas vite certes), mais ça m’inquiète vraiment. Je ralentis donc et achève la descente par la traversée du joli village de Saint-Véran (2035 m) jusqu'au ravito du 44e km qu'il abrite.

Dans la descente vers Saint-Véran avec l'observatoire tout là-haut

Saint-Véran vu d'en haut

Saint-Véran vu de dedans

Il est 14h32 et il fait chaud. Ca va mieux à l'ombre du barnum mais je ne suis pas tout seul et je cherche une chaise. Ca tombe bien, Pat et Raya sont sur le départ, je vais pouvoir m'asseoir à leur place. Manger, boire, faire le plein des bidons, me dire que je verrais bien ce que dit mon genou dans la descente sur Ceillac, re-boire, et au bout d'un quart d'heure de pause, repartir en plein cagnard.

 

De Saint-Véran à Ceillac : 57e km en 11h45

Il reste encore un peu de descente entre Saint-Véran et le fond de la vallée. Tandis que j'y vais doucement pour économiser mon genou, à la sortie du village, je tombe sur Pat et Raya qui font une sieste allongés à l'ombre d'une maison ! Je ne m'arrête pas (à part pour les prendre en photo...), je n'ai pas du tout sommeil à cette heure-ci.

Le repos des guerriers

En quelques minutes j'arrive au fond de la vallée, à 1855 m, il est 15h02, il y fait bien chaud, et qui dit fond de vallée, dit qu'on va grimper... en l'occurrence le Col des Estronques : 4 km à 20% de pente moyenne ! Par chance le pied du col est bien ombragé, mais dès qu'on franchit le ruisseau la pente s'accentue en plein soleil cette fois ! C'est dur mais j'avance au moins aussi bien que les autres concurrents donc le moral va bien et la chaleur s'atténue un peu au fur et à mesure avec l'altitude et le vent.

Dans l'ascension du Col des Estronques

Il me faudra 1h30 pour atteindre enfin le Col des Estronques (2651 m) où je me fais photographier par un randonneur bien sympa.

Au Col des Estronques
 

Place maintenant à la descente, que j'appréhende un peu à cause de mon genou gauche. Cette fois je garde les bâtons en main, pour amortir un peu les chocs, et je descends prudemment. Le genou tient le coup, mieux qu'en descendant sur Saint-Véran, et à 17h45 j'arrive en un seul morceau à Ceillac (1645 m), km 57, où se trouve le ravito principal de cette course, la base de vie.

Début de la descente vers Ceillac


De Ceillac à... Ceillac

J'ai une bonne demi-heure d'avance sur mes prévisions, le genou ne va pas trop mal, j'essaye donc de ne pas trop y penser et je reste concentré sur ce que j'ai à faire ici dans l'idée de ne pas rester arrêté plus de 45 minutes.

Je m'installe sur une des tables dehors à l'ombre et vais récupérer mon sac d'allègement pour vite mettre ma montre et on téléphone en charge. Je choisis de ne pas changer de tenue ni même de chaussettes car je me sens bien comme ça, et je passe directement à la case boire-et-manger, avec entre autres, une bonne assiette de pâtes bolo qui font le plus grand bien. Entre chaque bouchée je refais mon sac et mes poches : recharge de barres, de poudre, de compotes, et le plein des bidons bien sûr.

Des spaghettis pour recharger les batteries
 

Comme toujours sur une base de vie on ne voit pas le temps passer, et ça fait déjà 50 minutes que je suis là lorsque je me lève pour repartir ! Raya et Pat sont arrivés depuis quelques minutes, je ne les avais pas vus. Je leur dis "à plus tard", et que peut-être, si mon genou coince, ils me verront revenir ici...

A froid, les premières foulées sont boitillantes, le genou gauche fait un peu mal. Même si ça rentre vite dans l'ordre le temps de se dérouiller les jambes, ça me rappelle vraiment de mauvais souvenirs de la blessure de 2022. Au fil des 3 kilomètres presque plats jusqu'au pied du Col Girardin, mon genou tourne dans ma tête, et quand je pense à tout ce qui reste comme descentes d'ici l'arrivée je ne suis vraiment pas serein et la situation est la suivante : soit je continue, grimpe le Col Girardin pour ensuite attaquer la descente raide jusqu'à La Barge qui risque de mettre encore plus à mal mon genou, et alors là j'aurais l'air malin si je me blesse là-bas en fin de soirée dans une autre vallée, soit je joue la prudence et j'abandonne là pour préserver mon genou. 

Au pied du col ma décision est prise, les 3500 mD- restants me font trop peur, il faut que je fasse demi-tour sans tarder pour retourner à Ceillac avant la barrière horaire de 20h30 si je veux être rapatrié à Guillestre. Donc voilà, j'ai fait ça.

 

Et après ?

Après, j'ai été ramené à Guillestre en fourgon par le chef de l'organisation avec quatre autres traileurs. Puis je suis retourné à l'hôtel où Romain se reposait. Quand Bart, finisher du 65 km, est arrivé il était déjà près de 23h et on est vite allé se coucher, pendant que nos héros Yves, Pat et Raya se battaient jusqu'au bout de la nuit pour finir vaillamment ce 100 km qui en fait en faisait 105. Bravo les gars !

Oui mais après ce 5e abandon sur 6 tentatives d'ultra de plus de 20 heures en montagne qu'est-ce qu'on fait ?
Et bien on se rend à l'évidence que je ne suis pas tout à fait assez costaud (physiquement et/ou mentalement ça dépend des fois) pour ces aventures. Il faut vraiment que toutes les planètes s'alignent pour que j'aille au bout comme en 2022 (et encore, mon genou ne s'en est pas vraiment remis), sinon il y a toujours quelque-chose qui coince.
Je n'exclue pas de re-tenter ce genre de format un jour dans quelques années, mais maintenant je veux revenir à ce qui fonctionne pour moi et qui m'apportera plus de satisfaction que des ultras interrompus, c'est-à-dire aux trails de 60-70 km max à la journée. En plus il y en a plein qui m'intéressent depuis longtemps et que je vais essayer de faire dans les années qui viennent.