samedi 30 juillet 2016

La 6000D... je ne suis pas un géant.

La 6000D, la Course des Géants, une des premières courses de montagne en France, au profil atypique avec une première moitié qui monte de Aime à 650 m d'altitude au glacier de Bellecôte à 3050 m, et une deuxième moitié qui redescend, entrecoupée d'une bonne grimpette à l'Arpette, le tout sur 65 km à travers le vaste domaine skiable de La Plagne.





La 6000D, pourquoi, comment ?



Mais alors, qu'est-ce que je fais là, en ce 30 juillet, à 6h00 à Aime au départ de cette course qui n'était pas du tout prévue à mon programme ?
Tout simplement, j'ai eu la chance de gagner un dossard, grâce à un petit concours sur la page Facebook de St-Yorre, merci à eux.
De part son profil, son cadre pas vraiment sauvage et sa grosse affluence, ce n'est pas le trail qui m'attire le plus, mais c'est en regardant un documentaire sur la 6000D il y a un peu plus de deux ans que je me suis dit "Trop bien la course en montagne ! Moi aussi je veux faire ça un jour !". C'était donc l'occasion rêvée de participer à cette course symbolique pour moi.


Il restait alors à la préparer, tant que possible. Seulement quatre semaines après la MH60, la priorité doit être la récupération. Et il s'avère que c'est long pour moi de récupérer. Quelques petits footings de temps en temps, sans forcer, mais toujours avec de la fatigue. Puis le 14 juillet, petite remise en mode trail dans les Monts du Lyonnais avec les copains, histoire de voir où j'en suis et aussi de tester mes nouvelles chaussures (Kalenji XT6), sauf que très vite toutes les petites douleurs de la MH re-surgissent, en particulier en haut de la cuisse droite et derrière la malléole droite.
Dix jours plus tard, six jours avant la course, nouveau test sur 15 km et deux ascensions du Mont Thou, et tout va bien, j'ai de bonnes sensations et je n'ai plus de douleurs significatives, la confiance revient.


Pour l'avant course j'ai gardé la même organisation que pour la MH en posant un congé le vendredi afin de dormir, de préparer mes bagages et une bonne salade de pâtes et de partir dès que possible (en fonction du boulot de Marie-Laure) vers Aime, ou plus précisément au-dessus de la Côte-d'Aime, au sympathique camping Le Bioley qui offre une vue magnifique sur le Mont Pourri et le sommet de Bellecôte. Tout va bien sauf que je ne me suis pas tant reposé que ça car la veille on a crevé et il a donc fallu avoir recours à une voiture de location pour le week-end, du coup ça m'a un peu occupé jeudi soir et vendredi.


Samedi 30 juillet 2016, jour de course


Ce matin, il faut se lever très tôt ! Je dois en effet redescendre à Aime (un bon quart d'heure de route sinueuse) assez tôt pour récupérer mon dossard. Tout se passe bien et je peux tranquillement entrer dans la zone de départ à 5h40 en me situant à peu près au milieu du peloton.

A 6h00 précises, grosse ambiance pour le top départ avec fumigènes, musique et pyrotechnie, la classe !
Allez hop, vite dans le rythme sur les quatre premiers kilomètres tout plats, car sans partir trop vite, il ne faut pas traîner pour aborder dans de bonnes conditions le premier single montant où un bouchon va inévitablement se former.
Finalement le ralentissement n'est pas véritablement un bouchon, et puis ça me permet de monter tout doucement ce premier bon raidard, sans les bâtons que je ne sortirai qu'un peu plus loin, quand il y aura moins de monde autour de moi. Toujours est-il que je ne me sens déjà pas très en jambes, mais bon, souvent je mets du temps à chauffer. Je ne m'inquiète pas trop et je profite du cadre forestier qui débouche dans des champs, au levé du soleil, avec vue sur le Beaufortain au-dessus de Aime. Avec ce beau temps on va en prendre plein les yeux toutes la journée !

Le Beaufortain de bon matin

Au terme de la première heure nous arrivons au village de Longefoy, très joli, au son des cloches de vaches et des vuvuzelas ! Le public est excellent sur cette course, ils nous encouragent même par notre prénom (que l'orga a eu la bonne idée d'inscrire sur les dossards) ! Même ambiance un peu plus loin dans le village de Montalbert qui marque le dixième kilomètre, et où une fontaine permet de refaire les niveaux.

Longefoy

On remonte une piste de ski, on retourne en forêt, en direction de la grande attraction de ce début de course : la piste olympique de bobsleigh ! On court pendant un peu plus d'un kilomètre dans la piste en béton aux impressionnants virages relevés (des murs en fait), du hard-rock dans les oreilles pour finir acclamés par un public toujours aussi sympa, quelle ambiance !

Balance man, cadence man, trace la glace c'est le bob man...

Les kilomètres suivants se font en légère montée sur une large piste, pas très esthétique, par contre en prenant progressivement de la hauteur, le panorama devient très intéressant, avec le Mont Blanc en fond.

C'est le genre de vue qui me fait oublier un instant mes jambes récalcitrantes

Alors que je n'ai toujours pas de bonnes jambes, c'est même de pire en pire, je commence à avoir le dos qui faibli. Et ça ne va pas s'arranger puisque la montée vers Aime 2000 s'achève par une piste noire ! Un kilomètre très raide en file indienne sous le téléski. C'est dur, mais en montant les uns derrière les autres à un petit rythme ça passe. Par contre mes mauvaises sensations ne m'encouragent pas à continuer l'aventure bien loin. Je cogite dans la petite descente vers le ravito de Plagne Centre. Je me dit que dans un mauvais jour comme ça il vaut mieux que j'abandonne si je ne veux pas finir dans un triste état avec un dos en compote, des risques de tendinites, et autant de saletés dont j'aurais du mal à me remettre. Mais pas question de bâcher ici. Je veux au moins profiter de la vue d'en haut. J'irai donc au moins jusqu'à la Roche de Mio, et peut-être au glacier.

Au 20e kilomètre, après 3h20 de course, je ne passe que quelques minutes au ravito de Plagne Centre le temps de remplir les bidons, de manger quelques amandes et de prendre du pain d'épice pour la route. Direction la Roche de Mio, en espérant que ça aille mieux, mais sans trop y croire.

La montée commence tout doucement par des faux plats, pas très agréables mais au moins ce n'est pas dur. Petit à petit la pente s'accentue jusqu'à un bon raidard sous le télésiège des Banchets. En haut je reprends mon souffle quelques secondes le temps d'admirer la vue.

Vue sur Belle Plagne depuis le télésiège des Banchets

Il y a du traileur sur la crête !
On contourne ensuite le joli lac des Banchets jusqu'au chemin qui s'élève en lacets au-dessus de celui-ci. Mon dos est toujours contracté, mon mal de cuisses de s'améliore pas non plus, et mes réflexions aboutissent sur un plan d'abandon à Roche de Mio. Il ne faut pas que j'aille au glacier (même si c'est dommage de ne pas y aller) car d'abord la montée va être très dure et qu'une fois là-haut je ne pourrais certainement pas me résoudre à abandonner une fois la mi-course passée, ce qui impliquerait trop me taper dedans physiquement avec tout ce qu'il restera à courir et à descendre. Je vais tomber en miettes si je fais ça, donc non ! En plus à Roche de Mio il y a le télécabine, pratique.

Le lac des Banchets

Je me traîne donc au-dessus du lac des Banchets, et prends conscience de l'immensité du domaine de La Plagne. C'est beau les grands espaces... mais c'est encore loin la Roche de Mio !

Les grands espaces de La Plagne

Une longue et large piste, un grand virage, ça grimpe encore, et on entend les vuvuzelas, les applaudissements, le public est nombreux sur la Roche de Mio, ça fait plaisir, ça me boosterait si je n'étais pas mal en point. Mais ma décision est prise, il faut que j'arrête les frais. Je passe le check-point, je jette un oeil à la descente vers le col de la Chiaupe, je contemple le sommet de Bellecôte et son glacier, et je tends mon dossard au bénévole qui vient justement de récupérer celui d'un gars à côté de moi.

Score final : 27,2 km - 2330 mD+

Je marche en direction du télécabine (en cherchant du réseau pour expliquer pourquoi je m'arrête afin que personne ne s'inquiète), puis je bifurque à droite pour grimper tout doucement vers la table d'orientation de la Roche de Mio. Le panorama est superbe, au moins ça, ça me fait plaisir.

Bellecôte depuis le sommet de la Roche de Mio

J'ai songé un instant à monter au glacier en télécabine, mais finalement je descends directement à Plagne Bellecôte où je prends la navette pour Aime. Je récupère la voiture devant l'église et monte finir les restes de salade de pâtes puis prendre une douche au camping, alors que le temps se gâte.

Plus tard dans l'après-midi nous redescendrons sur Aime pour faire un peu de shopping local (surtout Marie-Laure). J'en profite pour mettre le nez dehors des fois que je verrais arriver des kikous finishers. Et à peine cinq minutes plus tard, voici un David légèrement occis, un peu cramé, plutôt vidé, mais très content qui arrive à 16h tapantes ! Je le retrouve quelques centaines de mètres plus loin à l'arrivée, il a fait une belle course, lui, au moins ;-)


Chronique d'un abandon


Depuis mon abandon, les jours passent mais que puis-je en dire ?

Déjà, dans l'absolu je ne regrette pas d'avoir stoppé à Roche de Mio, tout simplement car cette décision était volontaire, je n'y ai été contraint par rien ni personne, et encore aujourd'hui je pense que c'était le choix raisonnable à faire car mon corps ce jour là n'était pas prêt à encaisser tout le parcours.

Mais inévitablement j'ai quand même quelques regrets :
- avoir loupé un bout de cette belle balade...
- ne pas être allé au bout de l'épreuve et de moi-même...
- ne pas être monté sur le glacier
- ne pas avoir vécu les émotions uniques des fins de courses
- ne pas avoir bouffé à tous les ravitos ! (qui a dit goinfre ??)
- le t-shirt de finisher... bon d'accord j'en ai déjà plein mais il était joli ;-)

Ce qui me turlupine un peu c'est que je ne connais pas exactement la cause de ce mauvais jour. Cependant certains éléments peuvent y avoir contribué.

Sur le plan physique :
- il est possible que je n'ai pas encore bien récupéré de la MH60, sauf que là j'ai été mal dès le début et pas après plusieurs heures d'usure.
- pas de bonnes jambes, on va dire que ça arrive, je n'ai pas plus d'explications
- l'histoire de la crevaison jeudi soir n'a pas dû aider
- pour le mal de dos j'ai réalisé après coup que mes jambes fatiguées m'ont amenées à trop m'arc-bouter sur mes bâtons, à regarder mes pieds, faisant ainsi le dos rond, ce qui ne lui a pas trop plu.

Sur le plan mental aussi il y a des choses à dire, car même pas bien si j'avais voulu mettre le mental en route j'aurais pu aller au bout, mais :
- j'en reviens à la MH60. Je pense que la récupération la plus longue n'est pas forcément du côté du physique mais il s'agit aussi de retrouver les ressources mentales pour aller au bout d'un autre gros chantier, à peine un mois après le premier.
- beaucoup de monde autour de moi, beaucoup de choses dans la tête à cause des mauvaises sensations, ont fait que je n'étais pas dans ma bulle, et je crois vraiment que j'en ai besoin pour aller loin.

Voila beaucoup de questions, peu de certitudes, mais finalement peu importe, je vais bien et je me suis déjà tourné vers mon prochain objectif, très différent mais pas des moindres : mon premier marathon au Run In Lyon début octobre ! Le plan d'entrainement est écrit, il n'y a plus qu'à reprendre quelques forces et se mettre au boulot.





samedi 2 juillet 2016

La Montagn'Hard 60, un gros morceau !


Les photos - le film


L'objectif


26 octobre 2015, la chose est actée, j'ai commis le click le plus fou depuis que je fais du trail, je me suis inscrit pour 60 km et plus de 4500 mD+. Rien qu'en regardant le profil j'ai peur. Ce qui me fait peur également c'est la chaleur, car si on a droit à une canicule comme l'an dernier je vais beaucoup souffrir.
Il va sans dire qu'un tel parcours devient mon objectif de l'année 2016. Je m'y suis donc préparé. Plutôt bien en début d'année (foncier, PPG, trail de Mirmande, tout ça tout ça...), puis un peu moins bien ensuite à cause du voyage en mai et de la chute sur le Pilatrail début juin. Mais bon, l'essentiel est fait, et puis je me dis que l'important c'est dans la tête pour une telle course.


Vendredi 01/07/2016 : J-1


Après une semaine fatigante et de mauvaises sensations sur mes derniers footings, je me félicite d'avoir eu la bonne idée, quelques semaines plus tôt, de poser un jour de congés en cette veille de course. Comme ça j'ai pu bien dormir et prendre le temps de préparer une grosse salade de pâtes pour le midi et le soir, et puis de faire mon sac à tête reposée sans rien oublier.

Toutes mes affaires pour samedi
A 17h45, Marie-Laure me récupère en voiture dès sa sortie du boulot et on prend l'autoroute pour Saint-Gervais. Tout va bien et on arrive même à Saint-Nicolas-de-Véroce avant 20h30 pour pouvoir retirer mon dossard tranquillement. Reste ensuite à s'installer au camping des Dômes de Miage dans la vallée. C'est sympa, le camping a réservé des emplacements pour les coureurs et leurs voitures. Et par hasard, on a planté la tente juste en face de celles de Laurent et de Rémi (Arclusaz et Cheville de miel sur Kikourou), excellent !
Vers 23h00 toutes mes affaires sont prêtes pour m'équiper le lendemain matin sans réfléchir et ne rien oublier, je peux aller dormir tranquillement.


Samedi 02/07/2016 : Jour de la course


Levé à 5h15 juste comme il faut pour m'habiller, me forcer à manger un demi cake aux fruits (comme souvent avant les sorties longues), m'équiper, et me présenter avant 6h00 à l'entrée du camping pour attendre la navette de l'organisation, avec Rémi et sa bonne humeur matinale. Dans la navette on retrouve Romain, puis à Saint-Nicolas-de-Véroce encore plein d'autres kikourous, de quoi assurer une bonne ambiance papotage détendu en entrant dans le sas, jusqu'au départ... et même un peu après.

Un matin pas tout à fait comme les autres à Saint-Nicolas-de-Véroce

1) Saint-Nicolas-de-Véroce - Les Toilles : 12,5 km - 980 mD+ : 183e après 2h12


A 7h02 c'est donc parti pour les 209 présents, tranquillement, avec 500 m de route pour se micro-échauffer avant d'attaquer de suite la première côte sur chemins et pistes de ski.
Mais dès 100 m... j'ai mal fermé ma poche à eau ! Rémi m'aide à remettre ça en place et on se retrouve immédiatement bons derniers. Pas grave on rejoint vite le peloton puis chacun prend son rythme (en gros je laisse Rémi partir devant). Alors que cette première ascension se termine, les nuages de plus en plus noirs finissent par craquer et je dois de nouveau mettre sac à terre un bref instant pour enfiler la veste de pluie. Moi au moins j'ai les mains libres pour effectuer l'opération, contrairement à certains qui ont déjà pris les bâtons (interdits normalement jusqu'au 8e km...), bref.

Dernier rayon de soleil avant l'orage

La descente sur Bionnay est très roulante. Il faut donc que je veille à ne pas me lâcher comme j'aime le faire car il faut économiser les quadris. Je reste donc sage, ce qui ne m'empêche pas de doubler quelques coureurs quand même.

A Bionnay, une fois le Bon Nant franchi, nous voici dans la deuxième côte du jour, pas trop dure, mais suffisamment sérieuse pour ne pas hésiter à sortir les bâtons, et pour commencer à se faire une idée sur la forme du jour, pas super en fait. Je me sens un peu poussif, un peu mou du g'nou, mais au moins le cardio est calme, et moi aussi, je ne panique pas car je me connais, je mets toujours du temps à me mettre en route. Et là, du temps, on peut dire que j'en ai devant moi !

Vue sur le Mont Joly, encore épargné par les nuages à cette heure là

En haut de la côte, après deux heures de course, j'ai déjà bien commencé à mettre en place mon plan d'action alimentation : une demi barre énergétique (D4) toutes les heures ou heures et demi environ et un bidon d'eau plate et un de boisson énergétique (D4 aussi) à boire en 2h30 environ (oui c'est un plan au feeling en fait, agrémenté de temps en temps d'une Pom'Pot ou d'un gel pour varier ou apporter des BCAA puisqu'il paraît que c'est bon quand on fait du long). Toujours est-il que je dois refaire le plein des bidons au prochain ravito, et ça tombe bien, il est juste en bas de la petite descente.
Mais avant de faire le plein, de grignoter un peu de jambon cru et de tomme (génial !) et d'empocher un bout de banane et des abricots secs pour la route, une obligation nous tombe dessus en même temps que des litres d'eau... il faut remettre la veste de de pluie ! On a eu la chance d'arriver sous la tente du ravito juste au moment où un bel orage a éclaté.

2) Les Toilles - Bionnassay : 11,3 km - 1050 mD+ : 176e après 4h38


Special guest : Le Prarion (1969 m)

L'ascension de cette petite montagne commence gentiment, en trottinant. La pente finit quand même par s'accentuer, mais jusqu'au col de la Forclaz ça reste facile, sur un large chemin, les premiers de la Moins'Hard partis une heure plus tard, me doublent déjà.
La suite est beaucoup plus physique et quelque peu technique parfois. Je progresse doucement sur le single sinueux parsemé de gros rochers qui imposent régulièrement de lever haut les genoux. Je sens que ça m'use les cuisses, ce qui m'inquiète un peu pour la suite. Ce qui est bien meilleur pour le moral c'est que plus on monte et plus la vue devient spectaculaire en surplombant alternativement le val Monjoie et la vallée de Chamonix.

Sur les flancs du Prarion avec vue sur la vallée de Chamonix

A 10h45 j'arrive au sommet du Prarion juste au bon moment pour profiter du petite percée du soleil à travers les nuages. Je n'a pas droit à la vue époustouflante que j'espérais sur le Mont-Blanc, mais bon, c'est beau quand même.

Au sommet du Prarion avec vue sur le glacier de Bionnassay et les Dômes de Miage (sous les nuages...)

Le haut du Prarion est assez roulant et globalement légèrement descendant, on peut se dégourdir un peu les jambes jusqu'à l'hôtel du Prarion, en haut des pistes de ski des Houches. On attaque ensuite la véritable descente, agréable, en forêt, jusqu'au ravito de Bionnassay.
Ca fait du bien de souffler quelques minutes. Tomme, jambon cru, noix de cajou, Tucs... miam ! Je refais le plein des bidons, avec de l'Hydrixir bien dilué fourni par l'orga dans mon bidon d'eau plate et ma poudre D4 dans l'autre bidon, normal, sauf qu'une petite confusion de bouteille ma fait remplir ce bidon avec de l'eau gazeuse... pas grave, ça donne juste un goût un peu bizarre.

3) Bionnassay - Chalets de Miage : 8,3 km - 860 mD+ : 177e après 7h25


Special guest : le col de Tricot (2120 m)

Je repars doucement dans le petit village de Bionnassay. Le premier gros morceau est maintenant derrière, mais il en reste encore quelques uns, et pour commencer, le col de Tricot, point culminant de la course !

En route vers de nouvelles aventures !

Les premiers kilomètres sont champêtres et roulants, je me mets à trottiner. Très vite ça ne rigole plus, on commence la première moitié de l'ascension, qui va nous mener au bas du glacier de Bionnassay à l'Are. Je me traîne un peu dans cette montée. La fatigue commence à être bien présente, mais heureusement, elle ne s'amplifie pas trop. Signe que je m'alimente bien. Il faut que je continue comme ça.

Ici l'Are. Vous êtes en territoire bovin. Veuillez passer votre chemin !

Suit un petit bout de descente un peu technique, sympa, jusqu'à la passerelle, qu'on doit prendre un par un, sans courir (elle doit être fragile...) pour franchir le puissant torrent créé par les eaux de fonte du glacier de Bionnassay.

Ca envoie de la fonte sous la passerelle !

Dès que l'autre rive est atteinte, le sentier se cabre. Ici commence la véritable et longue ascension au col de Tricot.
Ca devient difficile, je rame. J'ai un petit coup de mou et plein de doutes dans la tête. Les jambes sont déjà bien fatiguées (normal après six heures de course !) et on a à peine fait plus d'un tiers de la course. Comment pourrais-je tenir 60 bornes comme ça ? Ne serait-il pas plus sage de bifurquer sur le 40, une fois à Miage, plutôt que de m'embarquer dans une grosse galère ? Toutes ces questions me trottent en tête, je trouve des contre-arguments, mais pas toujours, je cogite, je râle intérieurement... tant et si bien que je finis par arriver au col.
Petit moment de bonheur : le col est vaincu et la vue sur les chalets de Miage, 550 m plus bas, est impressionnante !

La grande descente du col de Tricot jusqu'aux chalets de Miage

Le temps n'est pas trop mauvais, j'ai enlevé la veste depuis un bon moment, et je n'ai pas envie de la remettre. Je prends quelques photos vite fait, le vent a tendance à refroidir, je ne m'attarde donc pas plus et me jette joyeusement (mais pas trop vite non plus) dans la belle descente qui part en petite godille jusqu'aux chalets de Miage.
Les doutes de la montée sont déjà loin. Hors de question de bifurquer sur le 40, namého !
Le truc avec la fatigue, c'est qu'elle s'installe de façon inquiétante dans les premières heures, mais ensuite elle atteint un palier et ne s'accentue plus vraiment si je m'alimente bien. Il faut donc laisser passer les doutes du début pour s'installer dans un rythme de gestion qui permet de tenir des heures. C'est ce que je commence à toucher du doigt à ce moment là et qui se confirmera par la suite.

En bas de la descente, j'arrive donc avec le moral au ravito de Miage. J'y retrouve mes amis jambon cru, tomme, cajous, Tucs, mais aussi de la soupe (youpie !) et Rémi (youpie !) dont la bonne humeur fait du bien. On papote cinq minutes, on parle des fûts de bière qui nous attendent à Tré la Tête, puis il repart alors que je prends le temps de boire et manger, et aussi d'enlever ma chaussure droite car j'ai l'impression qu'un petit caillou m'irrite l'intérieur du talon. Faux ! Ce n'est pas un petit caillou mais ma semelle interne qui part en sucette ! Je la remets d'aplomb, mais elle repartira très bientôt de travers jusqu'à la fin de la journée. Tant pis.

4) Chalets de Miage - Tré la Tête : 12,2 km - 1010 mD+ : 170e après 10h17


Special guest : la combe d'Armancette (1860 m)

Heureusement que j'avais bien enterré mes tentations de bifurquer sur le 40 avant de repartir du ravito de Miage, car suite du parcours commence immédiatement par un mur à gravir jusqu'aux chalets du Truc !
Heureusement cette montée est plus impressionnante vue d'en bas que réellement difficile. Elle permet en tout cas de bien se mettre en température, j'ai presque eu chaud. Et j'avais profité du ravito pour troquer mon buff contre ma casquette... tentative d'invoquer le beau temps peut-être...

Les tentes du ravito de Miage au pied du "mur du Truc"

Bref, j'arrive vite aux chalets du Truc (où on se poserait bien pour boire une bière en terrasse si on n'avait pas autre chose à faire), je relance, et je dévale, toujours prudemment pour ne pas me flinguer les cuisses, la large piste qui descend presque jusqu'aux Contamines.

Tiens, des bénévoles qui m'encouragent (comme toujours vraiment géniaux !), on va prendre à gauche... d'accord... et bim ! Dans l'mur !
Non je vous rassure je ne me suis pas pris une gamelle... c'est juste qu'en tournant à gauche on attaque directement la montée vers la combe d'Armancette sur un chemin bien raide et bien rectiligne !
Bâtons en main, je me mets à l'ouvrage, et finalement ça se passe bien. Je prends vite le rythme. Je sais que la montée va être très longue. Je suis tout seul depuis longtemps (je n'ai plus vu le moindre coureur depuis le Truc), mais je me sens bien. Mes meilleures sensations depuis le début de la journée. Le ravito de Miage m'a fait beaucoup de bien au corps et à l'esprit. Je vais n'en faire qu'une bouchée de cette combe d'Armancette !

Pour ne rien gâcher, le cadre est super agréable. D'abord en forêt, puis on débouche sur une passerelle dans la brume, au-dessus d'un fougueux torrent, ça fait limite peur tout ça ! Ensuite on monte dans la verdure, une espèce de végétation-salade, en traversant plein de ruisseaux. De toute façon j'avais déjà les pieds mouillés depuis ce matin, et puis on vient de se reprendre une averse (ça faisait longtemps) donc au point où j'en suis.

Le charme des sous-bois d'Armancette

Sur le haut de la combe je commence à rattraper des coureurs (les premiers que je vois depuis le Truc), et il me tarde d'arriver à Tré la Tête. C'est dur quand même à force, même si je me sens plutôt bien.

Le haut de la combe d'Armancette

Je passe le panneau indiquant le haut de la combe, et je relance, courant quand je le peux, sur le chemin en balcon, un peut vallonné, qui contourne le Mont Freugé, et qui offre un panorama intéressant sur les nuages du val Monjoie (qu'est-ce que ça doit être par beau temps !).

Je me retourne pour contempler la mer du nuages sur le val Monjoie


Le refuge de Tré la Tête
C'est pas tout ça mais il reste encore une petite grimpette pour arriver à Tré la Tête. Je me sens bien. Je ne suis finalement pas beaucoup plus fatigué qu'à Miage, et je commence à réaliser que sauf pépin je vais finir. Le moral est au beau fixe, malgré quelques petites douleurs non bloquantes derrière la cheville droite, sous les pieds etc... Et voici le gros refuge de Tré la Tête en visuel. Encore quelques hectomètres et j'y suis, encouragé par les bénévoles et photographié par Jérôme Verdier, top ! (Je publierai la photo dès que Jérôme aura fini de trier les 2800 clichés qu'il a réalisés, sacré boulot !).

La légendaire pause fraîcheur de Tré la Tête
Je me pose à côté du légendaire abreuvoir où trônent les fûts de bière, mais je me contente de faire les niveaux des bidons et de boire un peu d'eau, j'ai trop peur de me couper les jambes si je bois une bière. D'ailleurs je ne suis pas certain qu'il en restait dans les fûts à cet instant. Je profite de cette pause pour changer la batterie de la GoPro et pour encourager les avant-derniers du 100, un couple très sympa mais fatigués, ils envisagent de bifurquer sur le 60 dans quelques heures.


5) Tré la Tête - Les Contamines : 8,3 km - 18 mD+ : 168e après 11h57


C'est avec un moral au top que je me lance prudemment dans la descente la plus technique du parcours pleine de rochers et un peu glissante, mais très ludique, même si ça fatigue un peu les cuisses et les genoux.
500 m de dénivelé négatif plus tard, la partie technique de la descente se termine par un pont de bois et une pause photo obligatoire au-dessus du petit canyon de la cascade de la Combe Noire.

La cascade de la Combe Noire

La descente n'est pas terminée pour autant, mais elle devient beaucoup moins belle et très roulante sur une grande piste que je dévale jusqu'à Notre-Dame-de-la-Gorge sous les encouragements des nombreux randonneurs chinois qui prennent l'air (et l'eau) dans le coin.

Notre-Dame-de-la-Gorge

A partir de là le contraste est saisissant, et pas si facile à gérer : 4 kilomètres de plat ! Le long du bon Nant, parfois même sur le macadam. Faut-il courir ? Oui car sinon je vais mourir d'ennui sur cette portion, donc je trottine (je peux encore le faire ce qui déjà n'était pas gagné d'avance). Mais au bout d'un moment je marche, puis j'alterne un peu course, marche. Pas que je ne puisse plus courir, mais je sens que j'y perds les forces qui doivent me servir à escalader la dernière grosse difficulté qui me sépare de l'arrivée. Courir ça use, CQFD !

Et nous voici aux Contamines, en pleine civilisation, sur le trottoir, sur une placette, au ravito, enfin !
Dernier ravito et pas des moindres. On n'est plus qu'à 10 kilomètres de l'arrivée... certes, mais compte tenu du morceau de grimpette qui nous en sépare il faut plutôt prévoir 3 heures de bagarre ! Il est donc important de faire une bonne pause et de profiter de la gentillesse des bénévoles qui nous servent de bonnes pâtes, de la bonne soupe, du Pepsi (pas max ;) ) et qui insistent un peu pour que Richard, les coudes en sang qui tâchent sa belle veste jaune, aille se faire soigner.

6) Les Contamines - Saint-Nicolas-de-Véroce : 9,9 km - 820 mD+ : 166e après 14h39


Special guest : l'épaule du Mont Joly (1890 m)

J'envois un SMS à Marie-Laure pour lui dire que je pense arriver vers 22h, et c'est parti pour la dernière ligne droite (si je puis dire...), il me reste encore quelques forces pour aborder sereinement la dernière ascension, même si je la crains, mais pas sûr que la lucidité soit au top quand, avec un autre gars, on loupe une balise et on s'offre 200 m de rab dans le village au lieu de prendre à gauche en direction du Mont Joly.
On retrouve vite le bon chemin et ses pourcentages impitoyables ! Ca monte raide dans la forêt, et lentement, très lentement, mais sûrement, et c'est bien ça le principal. La montée est interminable et j'essaye de ne pas y penser, de ne penser à rien d'autre qu'à planter mes bâtons et à avancer mes pieds l'un devant... au-dessus de l'autre. Même lorsque Richard me dépose et disparaît dans la brume.

On finit par sortir de la forêt, ça grimpe toujours, plus ou moins raide, lorsque surgit hors du brouillard une grande silhouette familière. C'est Laurent ! Il a passé la journée à arpenter le parcours pour accompagner les copains et là il redescend aux Contamines pour retrouver sa voiture. Ca fait du bien de discuter quelques secondes avec lui, il me raconte ce qui m'attend encore avant la bifurcation 100/60 tout là-haut.

Comme prévu donc j'atteins enfin le replat (plus ou moins vallonné) où j'arrive encore à courir de temps en temps, dès que le terrain le permet, jusqu'à Porcherey.
Puis on tourne à gauche, et voici le dernier coup de cul. Un large chemin assez raide tout droit, faut s'accrocher, on y est presque, mais pas encore. Le chemin fait quelques virages alors que le brouillard se dissipe un peu laissant entrevoir les chalets du Mottey un peu plus haut. La bifurcation est là, ça y est je vois la tente et les braves bénévoles prêts à nous biper. On est quatre à s'être regroupés sur la fin de la côte. Le temps de se faire biper, de reprendre vite fait notre souffle, on se lance, chacun au rythme qu'il peu, dans la descente, droit sur les pistes de ski.

Derniers kilomètres sur les pistes de ski

C'est dur. Moi qui suis normalement un bon descendeur j'ai du mal à accélérer. Je me fais même doubler (pas bien grave ça). Il faut dire que j'ai les pieds en compote brûlante, une bonne douleur derrière la malléole droite, et les cuisse plus vraiment fraîches.  Mes bâtons m'auront vraiment aidé toute la journée, et cette dernière descente ne fait pas exception. Par contre la frontale n'aura servi à rien puisqu'elle sera restée dans le sac, il commence à peine à faire nuit.

Peu importe tout ça, l'arrivée est tout près, je suis dans le village, j'entends le speaker, je tourne à gauche sous les applaudissements d'un bénévole, dernière ligne droite, la vraie cette fois, je cours en levant les bras, tant que faire ce peu, c'est la joie du finisher, énorme !


Après la course


Il est 21h40. Je suis arrivé moins de 15h après le départ, c'est incroyable. Je tablais vaguement sur 16h, 15 au mieux. J'avais en poche le roadbook du kikou Bubulle étudié pour flirter avec les barrières horaires. Autant dire qu'après Miage j'avais tellement d'avance que je ne l'ai plus regardé.

A peine arrivé je me fais tirer le portrait, dossard à la main, et je retrouve Rémi, arrivé quelques minutes plus tôt. On discute quelques instants. Puis je cible une table, un banc. Je pose mon sac, mes bâtons, en face de Richard qui a fait un beau finish.

Voilà Marie-Laure qui arrive... et oui, j'avais dit 22h et je suis arrivé en avance, désolé ;-)

Il est maintenant temps de manger des petits sandwichs gentiment préparés à l'arrivée, et surtout de soulever le trophée, le Graal, la bière du finisher offerte par l'organisation !


Le lendemain, dimanche, il fait grand beau. Les copains de Kikourou vont marcher sur le Joly à la rencontre des héroïques finishers du 100, mais je leur ferai faux-bon, tant pis (de toute façon je ne peux plus marcher), avec Marie-Laure on a prévu de prendre le Tramway du Mont-Blanc jusqu'au Nid d'Aigle pour une magnifique après-midi dans un fabuleux décors, au milieu des bouquetins, et avec une vue imprenable sur le glacier de Bionnassay, sur le Prarion et le col de Tricot, mes vieux amis de la veille.









Toutes les photos de dimanche ici.